ANDRÉ PELT

Octogénaire, n’ayant pratiquement plus la possibilité de me déplacer, nostalgique, je navigue sur Internet et clique sur Céramiste. J’ouvre, ici ou là, un site et j’ai, sous les yeux, des œuvres de « travailleurs de la terre », hommes et femmes, tous plus étonnants les uns que les autres. Quelle liberté d’expression ! Quelle imagination ! Que de beauté !

Je me souviens alors de l’époque, déjà lointaine, où j’étais potier…

Mes études terminées, je voulais « faire » les beaux-arts et je « fis » l’agent général d’assurances ! À 40 ans, j’étouffais et il m’a paru vital de faire, enfin, autre chose. J’ai pensé, un instant, à la peinture mais les quelques toiles que j’avais barbouillées alors, m’ont semblé sans intérêt et c’est une sculpture en céramique, offerte par celle que j’aime, qui m’a décidé à me lancer dans la poterie. Nous avons alors choisi d’effectuer, en juillet 1973, un stage d’initiation à Ratilly chez le grand céramiste qu’était Norbert Pierlot.

Ignorant pratiquement tout de mon nouveau métier, je m’installais à Lapoutroie en Alsace, dans un ancien relais de poste à l’enseigne du Coq Hardi et j’achalandais ma boutique avec de l’artisanat régional, poteries de Betschdorf et de Soufflenheim, sabots, jeux de quilles et barattes des Vosges, bijoux, tissages, etc., et en même temps, je m’efforçais de maitriser le tournage de la terre de faïence. Il me fallut quelque temps avant qu’enfin je parvienne, partant d’un cylindre tourné, à donner une forme cohérente à une poterie. Encore fallait-il émailler mes « œuvres » ! J’achetais donc des émaux industriels utilisables avec un four électrique. Nous avons, ainsi, vivoté, tant bien que mal, dans cette magnifique région qu’est l’Alsace.

Début 1980, l’opportunité se présenta de nous installer dans la maison familiale de Berg-sur-Moselle, près de Thionville, ville où je suis né. Il m’est enfin possible de m’installer correctement, four à gaz, cabine d’émaillage, boudineuse, etc. J’abandonne la terre de faïence pour le grès et la porcelaine et passe une bonne partie de mon temps à la recherche d’émaux. Je mettrai ainsi au point quelques 1300 émaux pour n’en utiliser qu’… une trentaine ! Petit à petit, les expositions s’organisent et grâce à quelques amis comme Wendelin Stahl, potier, et Axel Schmidt-Walguny, conservateur du Westerwald Keramikmuseum, je rencontre un certain succès en Allemagne, Suisse, Belgique, Luxembourg.

1990 et 1991 : la guerre du Golfe… Et aussitôt une chape d’inquiétude planât sur le monde jusqu’en 1992 et ce fut, pour les céramistes, aussi, une période financièrement déprimante… Aussi, l’année suivante, âgé de 60 ans, alors que je commençais à me sentir maitre de mon métier, je décidais de prendre ma retraite. Et je m’imaginais, tranquille, tournant quelques « chef-d’œuvres » et participant à quelques expositions… Mais c’était sans compter sur le calcul des droits à la retraite ! Malgré plus de 40 années de travail comme assureur et potier, je me retrouvais avec un manque de trimestres dû aux années passées à Lapoutroie pour lesquels « on » ne me retenait que 2 ou 3 trimestres par an pour « manque de revenus ». J’ai dû me battre pour avoir gain de cause. Aussi quand j’appris que, si je continuais à travailler, il me fallait aussi continuer à payer des cotisations sans aucun profit, je pris, sur le champ, la décision de vendre mon atelier.

Ai-je eu quelques regrets ensuite ? Oui, bien sûr !